Slavko Sebez, M. Sc. Santé communautaire, s'est impliqué pendant plusieurs années comme représentant de la santé publique dans le dossier de la qualité de l'air. Il estime que les rejets de particules fines provenant des sources industrielles sont ignorées et minimisées.
Rejets industriels de particules fines à Limoilou
Slavko Sebez, M. Sc. Santé communautaire, s’est impliqué pendant plusieurs années comme représentant de la santé publique dans le dossier de la qualité de l’air. Il estime que les rejets de particules fines provenant des sources industrielles sont ignorées et minimisées.
Selon les données provenant de l’Inventaire national des rejets de polluants, l’incinérateur de la Ville de Québec a rejeté dans l’atmosphère 10,82 tonnes de particules respirables (PM10) en 2021 [1].
Tout d’abord, je tiens à préciser qu’on ne peut pas comparer les rejets de l’incinérateur avec les foyers d’ambiance et qu’on doit les interdire définitivement en zones urbaines densément peuplées. C’est comme comparer l’incinérateur avec la combustion de déchets à ciel ouvert. Une comparaison avec les poêles certifiés (2020) 3e génération avec une émission maximale de 2,5 g/h de particules fines dans l’atmosphère serait plus appropriée [2].
Calcul :
taux d’émission de l’incinérateur de la Ville de Québec
10 820 kg / 365 jours / 24 heures = 1,2 kg/h soit 1 200 g/h
émissions de particules de l’incinérateur de la Ville de Québec / émissions de particules d’un appareil à granules certifié 1 200 g/h / 2,5 g/h = 480 appareils
Donc, l’incinérateur de la Ville de Québec émet chaque heure à l’atmosphère la quantité de particules correspondant à ce qu‘émettraient 480 appareils à granules certifié.
Cette estimation est confirmée par la Ville de Québec :
- 1 heure d’utilisation de 200 à 500 poêles à bois certifiés = 1 heure d’opération de l’incinérateur [3]
Pour évaluer les émissions provenant du secteur industriel, on doit ajouter les émissions provenant de l’usine Papiers White Birch à celles provenant de l’incinérateur de la Ville de Québec. Pour sa part, l’usine Papiers White Birch a rejeté dans l’atmosphère 13,8 tonnes de particules respirables (PM10) et 60,8 tonnes de particules en suspension totales (PST) en 2021.
Calcul :
taux d’émission de l’usine Papiers White Birch
60 800 kg / 365 jours / 24 heures = 6,9 kg/h soit 6 900 g/h
émissions de particules de l’usine Papiers White Birch / émissions de particules d’un appareil à granules certifié 6 900 g/h / 2,5 g/h = 2 760 appareils
Donc, l’usine Papiers White Birch émet chaque heure à l’atmosphère la quantité de particules correspondant à ce qu‘émettraient 2 760 appareils à granules certifié.
En résumé, l’usine Papiers White Birch et l’incinérateur de la Ville de Québec émettent chaque heure à l’atmosphère la quantité de particules correspondant à ce qu‘émettraient 3 240 appareils à granules certifiés. Je tiens à souligner que les émissions provenant du secteur industriel sont des rejets continus de particules à longueur d’année. Rappelons également que les émissions provenant de poêles à bois sont utilisés davantage pour la saison hivernale. De plus, les émissions provenant du secteur industriel proviennent de deux sources rapprochées situées dans une zone restreinte densément peuplée. Pour leur part, les résidences avec les poêles à bois sont dispersées sur un vaste territoire.
Les statistiques sur l’indice de qualité de l’air (IQA) pour le secteur Vieux-Limoilou pour l’année 2020 révèlent que la qualité de l’air est «mauvaise» à 8,5 % et «acceptable» à 41 % du temps [4]. Précisons qu’un indice horaire «acceptable» (IQA : 26 à 50) survient lorsque la concentration moyenne des particules fines pendant trois heures est plus grande que 17,5 µg/m3 et égale ou plus petite que 35 µg/m3 (microgrammes par mètre cube). Donc, la concentration des particules fines (PM₂,₅) dans le secteur Vieux-Limoilou à 49,5 % du temps, c.-à-d. un jour sur deux, dépasse le seuil de référence recommandé par l’OMS de 15 μg/m3 (24 h.)5.
N’oubliez pas que la qualité de l’air est évaluée à partir des observations effectuées par la station Québec–Vieux-Limoilou, ce qui veut dire à partir d’une station qui est très peu influencée par les émissions provenant de l’incinérateur et de l’usine Papiers White Birch. Effectivement, l’étude de modélisation du MELCC révèle que « Les courbes d’isoconcentration annuelles montrent par ailleurs que la station Des Sables (la station Québec–Vieux-Limoilou), qui est utilisée comme station de référence, est très peu influencée par les émissions de l’incinérateur [6]».
À mon avis, une interdiction temporaire, de quelques jours par année, d’utilisation d’un appareil à combustible solide sur l’ensemble du territoire de la ville de Québec n’est pas une mesure viable pour améliorer la qualité de l’air pour le secteur de Limoilou en particulier. Pour réduire les émissions de particules fines (PM2,5) dans l’air ambiant afin de les ramener à des niveaux souhaitables, il faudra s’attaquer à l’ensemble des sources de pollution de façon permanente. Le fait d’ignorer et de minimiser les rejets de particules fines provenant de sources industrielles locales ne permettra certainement pas de réduire la pollution de façon significative. Les habitants de Limoilou, eux aussi, ont le droit de respirer un air plus sain.
Slavko Sebez, M. Sc. Santé communautaire
Notes
1- Recherche en ligne des données de l’Inventaire national des rejets de polluants
https://pollution-dechets.canada.ca/inventaire-national-rejets
2 – N O R M E E P A : T O U T C E Q U E V O U S D E V E Z S A V O I R https://www.osburn-mfg.com/fr/epa2020/
3 – Communiqué ville de Québec : Appareils à combustible solide : estimation des émissions de particules fines : https://www.ville.quebec.qc.ca/apropos/espace-presse/actualites/fiche_autres_actualites.aspx?id=30801
4 Ville de Québec, PROJET DE RÈGLEMENT MODIFIANT LA NORME DE NICKEL DANS L’AIR AMBIANT, 3 FÉVRIER 2022 https://www.ville.quebec.qc.ca/gens_affaires/environnement/docs/air/Pr%C3%A9sentation_Ville%20de%20Qu%C3%A9bec_pl%C3 %A9nier%203%20f%C3%A9vrier%202022.pdf
5 Organisation mondiale de la Santé (OMS), Lignes directrices mondiales de l’OMS sur la qualité de l’air, 2021 https://www.who.int/fr/news-room/questions-and-answers/item/who-global-air-quality-guidelines
6 BRIÈRE, J.-F., Effets sur l’air ambiant des émissions de l’incinérateur de la Ville de Québec, Évaluation par modélisation de la dispersion atmosphérique. Québec, ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Direction du suivi de l’état de l’environnement, ISBN 978-2-550-72602-9 (PDF), 21 pages. 2015 http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/air/ambiant/incinerateur/index.htm
Lire aussi :
Dépassement des valeurs d’exposition de contaminants dans l’air à Limoilou
Slavko Sebez, M. Sc. Santé communautaire, a été impliqué plusieurs années comme repré[...]
Soutenez votre média
Contribuez à notre développement à titre d'abonné.e et obtenez des privilèges.