Slavko Sebez, M. Sc. Santé communautaire, a été impliqué plusieurs années comme représentant de la santé publique dans le dossier de la qualité de l'air en Basse-Ville. Dans ce texte, il partage ses préoccupations quant aux émissions de particules fines dans le Vieux-Limoilou, qui dépasseraient presque quotidiennement les normes de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Dépassement des valeurs d’exposition de contaminants dans l’air à Limoilou

Usine White Birch, dans Limoilou.
Crédit photo: Jean Cazes
Slavko Sebez, M. Sc. Santé communautaire, a été impliqué plusieurs années comme représentant de la santé publique dans le dossier de la qualité de l’air en Basse-Ville. Dans ce texte, il partage ses préoccupations quant aux émissions de particules fines dans le Vieux-Limoilou, qui dépasseraient presque quotidiennement les normes de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
L’indice de la qualité de l’air (IQA) est un outil d’information et de sensibilisation conçu pour renseigner la population sur la qualité de l’air de leur région, tel que le prévoit l’article 47 de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE)[1] . Cependant, on constate que les résultats de surveillance de la qualité de l’air sont régulièrement interprétés de façon erronée lors de la communication à la population. Effectivement, les indices «bon» et «acceptable» sont regroupés ensemble et présentés par les autorités concernées comme la qualité de l’air «satisfaisante».

Crédit photo: Ville de Québec
Précisons qu’un indice horaire «acceptable» (IQA : 26 à 50) survient lorsque la concentration moyenne des particules fines pendant trois heures est plus grande que 17,5 µg/m3 et égale ou plus petite que 35 µg/m3 (microgrammes par mètre cube). Les statistiques sur l’indice de qualité de l’air (IQA) pour le secteur Vieux-Limoilou pour l’année 2020 révèlent que la qualité de l’air est «mauvaise» à 8,5 % et «acceptable» à 41 % du temps. Donc, la concentration des particules fines (PM₂,₅) dans le secteur Vieux-Limoilou à 49,5 % du temps, c.-à-d. un jour sur deux dépasse :
- le seuil de référence recommandé par l’OMS de 15 μg/m3 (24 h.) [2]
- et au moins 2 fois la norme canadienne de 8,8 μg/m3 (1 an) [3]
Ces dépassements concernant l’indice «acceptable» peuvent aller jusqu’à deux fois la valeur journalière proposée par l’OMS et quatre fois la norme annuelle canadienne ce qui présente un écart maximal de 17,5 µg/m3 par rapport à la qualité de l’air avec un indice «bon». Dans son rapport d’expertise, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) rappelle que «l’impact sanitaire prépondérant est dû aux expositions répétées à des niveaux modérés de particules et non aux quelques pics»[4].
Rappelons également qu’Il n’existe aucun seuil d’effets sanitaires connu pour les PM2,5 de l’air ambiant quel que soit le lieu d’exposition (soit à l’intérieur ou à l’extérieur) et il a été démontré que des effets nocifs se produisent aux niveaux d’exposition actuels [5]. Selon, l’OMS «environ 80 % des décès attribués à l’exposition aux PM₂.₅ dans le monde pourraient être évités si les pays atteignaient le seuil annuel de référence»[6].
Selon un récent rapport de Santé Canada, «l’exposition chronique à la pollution atmosphérique liée aux PM2,5 a contribué à 8 % de la mortalité non accidentelle toutes causes confondues chez les Canadiens de plus de 25 ans, ce qui équivaut à 10 000 décès par année ou à 27 décès par 100 000 habitants»[7]. Les résultats provinciaux indiquent que l’Ontario et le Québec sont les provinces où la pollution atmosphérique a le plus d’impacts, tant en nombre absolu de décès qu’en nombre de décès prématurés par 100 000 habitants.
Nous tenons à souligner que cette façon d’interpréter l’indice «acceptable» comme la qualité de l’air «satisfaisante» a tendance à minimiser les impacts des émissions de particules fines (PM₂,₅) sur la santé de la population exposée. Afin d’éviter une mauvaise interprétation, les autorités concernées devraient songer à mettre en place les moyens de communication nécessaires pour bien expliquer à l’ensemble de population les résultats de surveillance de la qualité de l’air et notamment les impacts sur la santé humaine des contaminants mesurés. Rappelons que «les directeurs de santé publique ont le rôle d’informer la population sur différentes situations comme l’état de santé de la population en général, des priorités concernant certaines problématiques de santé, des personnes les plus vulnérables et des facteurs de risques possibles»[8].
Slavko Sebez, M. Sc., Santé communautaire
- Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs. https://www.iqa.environnement.gouv.qc.ca/contenu/index.asp
- Organisation mondiale de la Santé (OMS), Lignes directrices mondiales de l’OMS sur la qualité de l’air, 2021. https://www.who.int/fr/news-room/questions-and-answers/item/who-global-air-quality-guidelines
- Les NCQAA (Normes canadiennes de qualité de l’air ambiant), Conseil canadien des ministres de l’environnement (CCME). https://ccme.ca/fr/qualite-de-lair
- Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET), Synthèse des éléments sanitaires en vue d’un appui à l’élaboration de seuils d’information et d’alerte du public pour les particules dans l’air ambiant, 2009 https://www.anses.fr/fr/system/files/AIR2007et0006Ra.pdf
- Gouvernement du Canada. https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/publications/vie-saine/document-conseils-particules fines-pm2-5-air-interieur-residentiel.html
- Organisation mondiale de la Santé (OMS), Lignes directrices mondiales de l’OMS sur la qualité de l’air, 2021. https://www.who.int/fr/news-room/questions-and-answers/item/who-global-air-quality-guidelines
- Les impacts sur la santé de la pollution de l’air au Canada Estimation des décès prématurés et des effets non mortels, Rapport 2021. https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/publications/vie-saine/impacts-sante-pollution-air-2021.html
- Rôle et mandat des directeurs de santé publique du Québec. https://www.indexsante.ca/chroniques/613/role-et-mandat-des-directeurs-de-sante-publique-du-quebec.php
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