Tramway, SRB, voies réservées et tunnel : un plan à 15,5 G$ pour CDPQ Infra

Même si d’importantes informations avaient été ébruitées la veille, CDPQ Infra a finalement présenté mercredi matin son rapport sur le transport structurant. Il en ressort un plan de mobilité touchant Québec et Lévis, qui inclut un tramway, deux lignes de SRB (service rapide par bus), des voies réservées pour autobus et même un tunnel interrives dédié au transport collectif, pour un budget prévu de 15,5 milliards de dollars.

L’attente est finalement terminée. Après la mise sur pause du projet de tramway mené par la Ville de Québec en novembre, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ Infra) avait reçu le mandat d’étudier et de proposer un réseau de transport structurant pour améliorer la mobilité à Québec et entre Québec et Lévis.

Il en ressort le Plan CITÉ (Circuit intégré de transport express), qui ramène quelques éléments du passé, qui apporte quelques modifications sur le plus récent projet de tramway et qui ajoute aussi quelques éléments nouveaux.

Tramway

Le tramway demeure «la colonne vertébrale» de ce nouveau plan pour un réseau de transport structurant à Québec, qui compterait 35 kilomètres (km) au total, avec deux lignes distinctes.

Son déploiement se ferait en trois phases.

Phase 1 : Le Gendre à Charlesbourg (2024-2030)

Le tracé de la première phase ressemble à celui proposé dans le projet de tramway dévoilé en 2018 par l’administration Labeaume. Il relierait le secteur Le Gendre à Charlesbourg, sur 19 km.

Depuis l’ouest, une première section de 6 km relierait les pôles Le Gendre et Sainte-Foy. Il débuterait à l’intersection de la rue Mendel et de l’avenue Blaise-Pascal (près du IKEA). Le tramway longerait ensuite la friche hydro-électrique parallèle au boulevard Pie-XII, avant d’emprunter le boulevard des Quatre-Bourgeois, vers le boulevard Laurier.

Le corridor central, d’environ 10 km, relierait Sainte-Foy à Saint-Roch. Il passerait par le boulevard Laurier, l’Université Laval et le boulevard René-Lévesque, pour se rendre jusqu’à la Colline Parlementaire. Dans ce secteur, le tramway entrerait dans un tunnel, afin de rejoindre le secteur Saint-Roch, où il circulerait sur la rue de la Couronne.

Le dernier secteur de la première phase relierait, sur 3 km, le quartier Saint-Roch à l’entrée sud de Charlesbourg. Dans Limoilou, le tracé emprunterait la 1re Avenue, pour se rendre jusqu’à l’angle de la 41e Rue. Même si ce plan semble ressembler à celui proposé par l’administration Labeaume, il faut noter que le tracé initial se rendait jusqu’au boulevard Louis-XIV.

Mentionnons également que le plan de CDPQ-Infra inclut l’aménagement d’un stationnement incitatif dans ce secteur.  Lors la présentation de la vision d’aménagement de la 1re Avenue, en avril, la présidente du conseil de quartier de Lairet, Julie Tremblay-Potvin, avait fait part de son opposition à l’apparition d’un nouveau stationnement dans le secteur des friches. Actuellement, un Parc-O-Bus est présent du côté est de la 1re Avenue.

Phase 2 : D’Estimauville, en passant par la 3e Avenue (2030-2035)

Depuis le pôle Saint-Roch, le tramway circulerait dans Limoilou, en direction de D’Estimauville. Ce tracé était, à peu de choses près, celui prévu dans le plus récent projet de tramway mené par la ville de Québec, qui faisait suite à une demande du gouvernement Legault, soit celui de privilégier l’accès vers l’avenue D’Estimauville.

Une différence majeure sur le parcours touche cependant le Vieux-Limoilou. En effet, alors que le tracé prévoyait le passage du tramway sur la 4e Rue, puis sur la 4e Avenue, la proposition de CDPQ-Infra propose plutôt le passage sur la 3e Avenue. En réalité, ce tracé avait déjà fait débat, alors que la 3e Avenue avait d’abord été sélectionnée en mars 2021, avant que la Ville de Québec ne fasse volte-face en juillet de la même année, en proposant plutôt la 4e Avenue.

Pour le reste, le tracé demeure le même, avec un passage sur le Chemin de la Canardière, vers Maizerets. Il bifurquerait ensuite sur le boulevard Sainte-Anne, pour se rendre au pôle D’Estimauville.

Phase 3 : Lebourgneuf et Québec-Lévis (2035 et après)

Une troisième phase de développement du tramway se déploierait dans deux secteurs distincts.

D’abord, le pôle Lebourgneuf viendrait compléter la ligne de tramway initiale de Québec, qui compterait 28 km de rails au total. Le nouveau tracé, de plus de 5 km, relierait le pôle Charlesbourg à Lebourgneuf. Le tracé final n’est pas encore identifié, mais le tramway circulerait néanmoins sur le boulevard Lebourgneuf, afin de se rendre jusqu’aux Galeries de la Capitale.

Finalement, CDPQ-Infra projette à terme la construction d’une ligne de tramway d’environ 7 km, qui relierait les centres-villes de Lévis et de Québec. Les pôles Desjardins (Lévis) et Saint-Roch (Québec) seraient ainsi reliés par un tunnel dédié au transport collectif. Le rapport de CDPQ-Infra mentionne cependant que la réalisation de ce lien interrives dépend de la croissance démographique de Lévis et de la Rive-Sud et d’une densification accrue dans le secteur du pôle Desjardins.

Mentionnons par ailleurs qu’un lien autoroutier interrives n’a pas été retenu dans les recommandations. Six corridors ont tout de même été étudiés, mais le rapport mentionne que «les besoins de mobilité du territoire de la CMQ (Communauté métropolitaine de Québec) ne peuvent, à eux seuls, justifier la construction d’un nouveau lien interrives».

CDPQ-Infra laisse quand même au gouvernement du Québec les soins d’évaluer les besoins d’un lien routier par rapport aux «questions de sécurité économique et de transport des marchandises».

SRB (Service rapide par bus)

Deux réseaux SRB, totalisant 30 km, seraient connectés au tramway.

Phase 1 : Ligne SRB de Québec (2024-2030)

En 2014, l’ancien maire Régis Labeaume évoquait l’idée d’un SRB, qui circulerait notamment sur le boulevard Charest, pour se rendre jusqu’à Lévis. En 2017, le projet a été abandonné, alors que les tensions entre le maire Labeaume et son homologue lévisien Gilles Lehouillier étaient au plus fort.

CDPQ-Infra ramène, dans son Plan CITÉ, un projet de SRB qui présente des similitudes avec ce qui avait déjà été proposé dans le passé. Une première ligne circulerait sur le boulevard Charest et offrirait une correspondance avec le tramway dans Saint-Roch à l’est et sur le boulevard René-Lévesque Ouest, en passant par la côte de la Pente-Douce, à l’ouest. Dans une phase ultérieure, cette ligne pourrait aussi être prolongée jusqu’à l’avenue Saint-Sacrement et l’autoroute Robert-Bourassa.

Phases 1 et 2 : Lignes SRB de Lévis (2024-2030 et 2030-2035)

Du côté de Lévis, une autre ligne SRB verrait le jour sur le boulevard Guillaume-Couture, reliant le pôle Desjardins au terminus Sainte-Foy, à Québec. Mentionnons que le boulevard Guillaume-Couture fait actuellement l’objet d’importants travaux de réaménagement, avec l’intégration de voies réservées aux autobus. Le chantier doit se terminer en 2027.

Dans une deuxième phase, une seconde ligne SRB circulerait sur la route des Rivières, depuis le pôle Desjardins jusqu’au pôle Chaudière, sur la Rive-Sud. Il se connecterait ensuite à l’autre ligne de SRB pour traverser le pont de Québec et se connecter au tramway dans Sainte-Foy.

Plus de 30 km de voies réservées

Finalement, le Plan CITÉ inclut plus de 30 km de voies réservées aux autobus visant à «améliorer la rapidité, la fiabilité et l’attrait des lignes d’autobus express, ainsi que des services de lignes d’autobus à fréquence élevée».

Ces voies réservées serviraient à mieux desservir la périphérie nord de Québec, Lévis et sa couronne sud.

Quelques chiffres

-Le budget global du Plan CITÉ est évalué à 15,5 G$. Le réseau de tramway de 28 km se chiffrerait à 7 G$, les voies réservées et les SRB à 4,5 G$ et le tramway entre Québec et Lévis à 4 G$.

-Selon CDPQ-Infra, 40 000 personnes de plus par jour viendront, au minimum, accroître l’achalandage des transports collectifs proposés dans ce plan. En contrepartie, 30 000 voitures de moins circuleraient chaque jour sur le réseau routier.

-Les temps de parcours pourraient être réduits de moitié dans certains secteurs, passant de 40 à 20 minutes.

-Près de 1000 documents ont été analysés et 172 parties prenantes ont été rencontrées pendant 18 semaines.

Ce qu’ils ont dit

CDPQ-Infra

«Cette démarche nous a permis de proposer les solutions les plus adaptées pour la mobilité de la région de Québec et de Lévis. […] Bien entendu, nous aurions un intérêt à apporter notre expertise et notre expérience, afin de contribuer à rendre réel ce grand plan pour l’avenir de la région de Québec.» – Jean-Marc Arbaud, président et chef de la direction de CDPQ-Infra

Municipal (Québec)

«La Ville de Québec adhère entièrement au Plan CITÉ présenté par la Caisse. Dans son rapport, la Caisse démontre clairement les immenses besoins et la nécessité pour la Ville, en matière de transport et bien au-delà. […] Le Plan CITÉ déposé est un plan ambitieux, structurant, qui projette la ville en 2040 et même plus loin, et qui répond aux différents besoins, à tous les citoyens, dans tous les quartiers et pour toutes les générations.» – Bruno Marchand, maire de Québec

«On a un projet qui est intéressant, qui en vient aux mêmes conclusions que plein d’études, de rapports et de réflexions précédentes. Un projet qui serait prêt à aller de l’avant et un maire qui est satisfait de ce projet-là et il a de bonnes raisons de l’être. On l’est nous aussi. Ce qu’il manque à la table, […] c’est un gouvernement du Québec qui est partenaire, qui est engagé et qui nous dit qu’est-ce qu’il va faire.» Claude Villeneuve, chef de l’opposition officielle (Québec d’abord) et conseiller de Maizerets-Lairet

«À la lueur du rapport, nous sommes toujours contre le mode de transport proposé, qui est le tramway. Nous sommes en élaboration […] de questions extrêmement pertinentes que nous allons adresser à CDPQ-Infra.» – Patrick Paquet, chef (non élu) de la deuxième opposition (Équipe priorité Québec)

«Je suis contente. Le tramway est le projet pour lequel je me suis toujours battue […]. J’invite tout le monde à laisser la partisanerie et la petite politique de côté, au nom de l’intérêt supérieur de nos concitoyens et concitoyennes. Nous avons vraiment perdu assez de temps, il faut aller de l’avant.» – Jackie Smith, cheffe de Transition Québec et conseillère de Limoilou

Provincial

«On a optimisé quelque chose qui fait en sorte qu’on a une vision à long terme pour Québec. […] Je ne promets pas de pelletée de terre, en fin de compte je promets qu’on a un rapport sur lequel bâtir.» – Jonatan Julien, ministre des Infrastructures et ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale

«Il y a des beaux projets. C’est des bonnes nouvelles, ce rapport-là.» – Geneviève Guilbault, ministre des Transports et de la Mobilité durable

«Avec ce rapport de CDPQ Infra, le “leadership” caquiste en prend pour son rhume. La preuve est faite, notre Capitale-Nationale a perdu 6 ans de son développement avec la CAQ. Le tracé est sensiblement le même que celui présenté par le gouvernement libéral et le maire de Québec… en 2018. Résultat des courses, rien n’a avancé et les coûts ont explosé.» – Marc Tanguay, chef du Parti libéral du Québec

«Le projet porté par la CDPQ Infra donne raison à Québec solidaire sur toute la ligne : Québec a besoin d’un projet de tramway structurant, pas d’un troisième lien autoroutier. Le rapport est un véritable désaveu du gouvernement sur ces deux dossiers.» – Étienne Grandmont, député de Taschereau et porte-parole en matière de Transports pour Québec solidaire

«On est contents de constater que la Caisse de dépôt et placement […] confirme ou va dans les mêmes lignes que celles qui étaient proposées lors de la dernière campagne électorale, en 2022, par le Parti québécois, c’est-à-dire, un réseau de transport collectif structurant et un lien interrives de centre-ville à centre-ville.» – Pascal Paradis, député de Jean-Talon et porte-parole pour la Capitale-Nationale au Parti québécois

«Organisez un référendum sur le tramway. Laissez les citoyens et contribuables s’exprimer avant de leur rentrer dans la gorge un projet d’une quinzaine de milliards dont ils ne veulent pas. Le plus grand projet en transport dans la région de Québec ne peut aller de l’avant sans acceptabilité sociale.» – Éric Duhaime, chef du Parti conservateur du Québec

Fédéral

«Ce travail crédible aidera les partenaires économiques et sociaux et les trois niveaux de gouvernement à accélérer leur collaboration pour offrir aux gens de la région davantage de choix de déplacement abordables, fiables, rapides et respectueux de l’environnement et ainsi améliorer leur qualité de vie.» – Jean-Yves Duclos, député de Québec et ministre des Services publics et de l’Approvisionnement

Lévis

«Je suis très déçu du rapport de la CDPQ Infra pour le 3e lien. Comme l’a affirmé la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, il est irresponsable de ne conserver qu’un seul lien routier entre Québec et Lévis.» Gilles Lehouillier, maire de Lévis

Autres organisations

«Depuis plus de 40 ans, la science affirme que le tramway est le mode de transport collectif lourd le plus adapté pour la Ville de Québec. Force est de constater que la CDPQ Infra a travaillé avec rigueur et s’est basée sur les meilleures pratiques en matière d’évaluation des besoins.» – Marie-Soleil Gagné, directrice générale d’Accès transports viables

«Avec les phases subséquentes qui sont proposées par la CDPQ Infra, on parle maintenant d’un projet qui a un réel potentiel de structurer efficacement le transport en commun à Québec, avec ultimement une meilleure desserte des banlieues par tramway ou trambus. On a très hâte que cette vision se concrétise enfin; ce sera sans aucun doute la contribution la plus significative et marquante du gouvernement de la CAQ pour la Capitale-Nationale.» – Alexandre Turgeon, directeur général du CRE Capitale-Nationale

«C’est un plan ambitieux et complet que la CDPQ Infra a déposé aujourd’hui. La proposition qui est sur la table est à la hauteur des défis en matière de mobilité à Québec et elle permettra de répondre aux besoins pour les prochaines décennies.» – Christian Savard, directeur général de Vivre en ville

«On va s’intéresser au rapport complet, en prendre connaissance. Mais ce que j’ai vu jusqu’à maintenant, c’est qu’on maintient un tramway qui passera sur le campus de l’Université, c’est une très bonne nouvelle.» Sophie D’Amours, rectrice de l’Université Laval

Le rapport complet de CDPQ-Infra est disponible en cliquant ici.