Aide sociale : une réforme qui incite les prestataires à travailler

On compte 288 000 personnes sur l'aide sociale au Québec. En réformant le régime, le gouvernement provincial veut inciter le plus de prestataires possible à travailler. Le montant de la prestation de base de 807$ par mois ne sera toutefois pas augmentée.

Aide sociale : une réforme qui incite les prestataires à travailler | 26 septembre 2024 | Article par Thomas Verret

Après plusieurs mois de consultations, la ministre de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, Chantal Rouleau, a déposé sa réforme de l’aide sociale, le 11 septembre dernier.

Crédit photo: Page Facebook de Chantal Rouleau, ministre de la Solidarité sociale et de l'Action communautaire

On compte 288 000 personnes sur l’aide sociale au Québec. En réformant le régime, le gouvernement provincial veut inciter le plus de prestataires possible à travailler. Le montant de la prestation de base de 807$ par mois ne sera toutefois pas augmentée.

Aide de dernier recours

« Parce qu’un jour ou l’autre, il faut sortir de l’aide sociale. Et la façon d’y parvenir, c’est toujours par le travail ou l’obtention d’une formation qui nous rapproche de cet objectif », fait valoir en entrevue avec Monquartier la ministre de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, Chantal Rouleau.

Élargissement du programme Objectif Emploi

Ce programme ne sera plus uniquement réservé aux personnes qui présentent une première demande. Dépendamment de leur cheminement, les prestataires pourront aller chercher de 90$ à 475$ par semaine, des allocations qui s’ajouteront à leur prestation de base. En revanche, un refus entraînera des pénalités pouvant aller jusqu’à 224$ pour un troisième manquement.

Favoriser la diplomation

40% des personnes assistées sociales n’ont pas de diplôme d’études secondaires, d’où l’importance de les inciter à obtenir leur diplôme.

« Pendant leur parcours, nous allons les encourager financièrement et les personnes ayant obtenu leur diplôme recevront un bonus. C’est quelque chose qui est encourageant pour poursuivre ses études », soutient la ministre Rouleau.

« Chaque fois qu’une personne va poser un geste concret pour améliorer sa situation (…) pour aller vers le travail, on va l’aider et il y a des allocations qui vont avec ça », résume-t-elle.

« En bout de ligne, c’est par l’effort que les prestations s’améliorent. »

Manque de revenu « criant »

Pour sa part, l’Association pour la Défense des Droits Sociaux du Québec Métropolitain (ADDSQM) dénonce que le gouvernement caquiste n’augmente pas les revenus des personnes assistées sociales, qui gagnent 11 245$ par année.

« Juste ça, ça manque la cible en partant », déplore un militant salarié, Laurent Lévesque.

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« La prestation est supposée couvrir les besoins de base. Il y a vraiment un problème majeur (…) parce que trouver un logement à 807$ par mois dans le marché, c’est impossible. »

D’autre part, l’ADDSQM estime qu’« on est beaucoup dans la logique du bon et du mauvais pauvre ».

« Lui qui est méritant, on l’aide, et celui qui n’a pas de contrainte, on lui rend la vie difficile. »

L’ADDSQM regrette que le programme Objectif Emploi « soit imposé aux prestataires dès leur première demande », au lieu que l’adhésion « se fasse sur une base volontaire ».

« Les personnes assistées sociales ont souvent peur de retourner à l’emploi, parce qu’elles sont très éloignées du marché du travail. Si ça ne marche pas, elles se disent ”je vais avoir perdu mon aide sociale” », expose M. Lévesque.

Santé mentale

D’ailleurs, la nouvelle législation prendra compte des diagnostics de santé mentale et d’enjeux psychosociaux. Les contraintes à l’emploi deviendront des contraintes de santé.

« Le diagnostic ne sera plus simplement donné par le médecin, mais aussi par des professionnels de la santé », précise la ministre de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire.

Participation sociale

Le nouveau régime accordera à tous les prestataires un plan d’intervention personnalisé, afin de les aider à résoudre les difficultés vers un retour à l’emploi. Pour « les personnes les plus éloignées du marché du travail », ces dernières pourraient recevoir des prestations si elles font du bénévolat, par exemple.

« On axe désormais les contraintes de santé sur l’état de la personne et c’est là qu’on peut venir l’accompagner avec un accompagnement psychosocial, pour l’aider à passer à travers de certains enjeux qu’elle rencontre [consommation, trouble de santé mentale, problèmes familiaux] et favoriser sa réinsertion », indique Chantal Rouleau.

Individualisation des prestations

Alors que les couples reçoivent actuellement un chèque par famille, la nouvelle législation prévoit plutôt un chèque par personne. Selon la ministre Rouleau, ce changement permettra d’éviter certaines situations, comme des enjeux de codépendance ou de violence économique, et « une meilleure autonomie financière pour chacun des partenaires ».

Endettement des prestataires

La majorité des personnes prises en défaut ne posent pas de geste de fraude délibérément. On évalue environ à 3% « les réels cas de fraude contre l’aide sociale ». Le gouvernement Legault réduira donc de 15 à cinq ans la période de réclamation en cas de fausse déclaration.

« C’est souvent un problème de littératie, de numératie, on peut facilement se tromper de formulaire, de case, et ça engendre des dettes qui sont difficiles à rembourser », reconnaît Mme Rouleau.

Réduire la bureaucratie

Fusion du Programme d’aide sociale et du Programme de solidarité sociale, réduction des formulaires : la CAQ désire également réduire la paperasserie et simplifier un régime qui date de 20 ans.

Beaucoup d’appels logés à l’ADDSQM impliquent justement des personnes qui essaient de prouver leurs contraintes à l’emploi.

« Les autres ont juste abandonné, car c’est trop compliqué », avance Laurent Lévesque.

Contribution parentale

De plus, le nouveau règlement abolit l’obligation de fournir une contribution parentale pour les jeunes qui n’habitent pas chez leurs parents, comme ceux qui sortent de la DPJ ou des foyers jeunesse.

« Ça peut éviter des problèmes énormes, des enjeux tragiques », souligne Chantal Rouleau.

Des cas de plus en plus lourds

Basée dans le quartier Saint-Sauveur, l’ADDSQM défend depuis 50 ans les droits des personnes sans emploi ou vivant une situation de pauvreté à Québec, Charlevoix et Portneuf.

L’organisme rapporte que de plus en plus de prestataires se retrouvent en « détresse sévère », « des gens qui ont tout perdu, qui ont perdu leur logement, avec des piles et des piles de documents, et toutes leurs choses entassées dans un sac de vidange ».

De son côté, le groupe plaide pour que l’ensemble des personnes assistées sociales bénéficient d’un revenu de base mensuel de 1 500$, comme celles ayant des contraintes sévères et persistantes à l’emploi.

La nouvelle législation entrera graduellement en vigueur dans les prochaines années. Certaines mesures seront mises en place dès janvier. Le projet de loi 71 se trouve sur le site de l’Assemblée nationale et fera l’objet d’une consultation avant son adoption. Ce texte législatif fait suite au Plan d’action gouvernemental visant la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale dévoilé en juin.

Le régime d’aide sociale coûte 3,3 milliards de dollards par année aux contribuables québécois et le gouvernement ne prévoit pas que cette réforme engendre des coûts supplémentaires.

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