L’intelligence artificielle peut-elle remplacer les journalistes ou les aider ?

Ne dites pas à mes parents que je suis un robot... ils me croient journaliste ! Lundi après-midi, cette conférence s'est intéressée à l'intelligence artificielle (IA) et plus particulièrement à ses effets sur le monde du journalisme, ainsi que sur les citoyens.

L’intelligence artificielle peut-elle remplacer les journalistes ou les aider ? | 10 avril 2024 | Article par Anne Charlotte Gillain

Pour Thierry Watine, professeur titulaire au département d’Information et de communication de l’Université Laval, il faut déjà penser à l'après-IA. Même si cela parait insensé, il est nécessaire de se préparer à une prochaine vague technologique.

Crédit photo: Courtoisie André-Olivier Lyra

Ne dites pas à mes parents que je suis un robot… ils me croient journaliste ! Lundi après-midi, cette conférence s’est intéressée à l’intelligence artificielle (IA) et plus particulièrement à ses effets sur le monde du journalisme, ainsi que sur les citoyens.

Cette conférence s’inscrit dans le cadre de la Semaine numériQC, organisée par Québec Numérique. Cette dernière a lieu jusqu’au 11 avril au Terminal de croisière du Port de Québec. De nombreuses thématiques y sont abordées.

Le titre de cette conférence Ne dites pas à mes parents que je suis un robot… ils me croient journaliste ! pose une question centrale.

« Jusqu’où les journalistes sont-ils prêts à faire confiance aux IA génératives, afin de produire du texte, du son, du web et de la vidéo de façon partielle ou intégrale? », soulève Thierry Watine, professeur titulaire au département d’Information et de communication de l’Université Laval.

« Le sujet est très loin de faire l’unanimité au sein de la profession », déclare-t-il d’emblée.

De son point de vue, il est nécessaire de tester d’abord les technologies.

Déjà des médias fabriqués intégralement générés par l’IA

Ici, tout l’enjeu revient à se demander si l’IA peut remplacer ou bien libérer les journalistes ?

« L’IA peut faire les deux en général. Cette dernière va remplacer certaines tâches faites par les journalistes et leur libérer du temps », explique M. Watine.

« J’ai une préférence pour replacement au lieu de remplacement », ajoute-t-il.

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En 2024, il existe déjà des médias intégralement automatisés, comme c’est le cas de Channel 1.

« Ce qui nous paraissait impensable il y a 10 ans est en train de se produire », indique-t-il.

Sur son site, Channel 1 se décrit comme la toute première chaîne télévisée d’informations utilisant des présentateurs générés par de l’IA. Cette dernière a diffusé son premier téléjournal en décembre dernier.
Crédit photo: Courtoisie Channel 1

Les changements suscités par l’IA dans le journalisme

Au printemps dernier, le chercheur et ancien journaliste Thierry Watine s’est rendu en France pour faire un tour de plusieurs rédactions.

L’objectif premier était de comprendre les changements apportés par l’IA dans le métier. Ce dernier a rencontré 11 entreprises médiatiques et 30 professionnels.

« Auprès des répondants, ChatGPT, c’est l’électrochoc. L’intelligence artificielle n’est pas encore une priorité pour les journalistes, parce qu’ils ont trois autres priorités en ce moment. C’est vrai en France, au Québec et ailleurs », rapporte M. Watine.

« Le modèle économique des entreprises de presse est devenu désuet et chaotique, surtout pour la presse écrite. Il y a la concurrence féroce des réseaux, dont TikTok et Facebook, qui se sont emparés d’une partie du marché de l’information. Enfin, la désinformation massive coûte une fortune en termes de vérification pour les entreprises de presse. »

Parmi les observations faites par Thierry Watine auprès de 30 professionnels de la presse en France, l’IA est une technologie qui divise.
Crédit photo: Pixabay

« Dans mon échantillon de 30 journalistes, un tiers était enthousiaste. La moitié était plutôt sur le mode prudence et pragmatisme. Et quelques journalistes ont avoué vouloir prendre leur retraite si ça continue avec l’IA », décrit-il.

La profession a tendance à tenir un discours défensif.

Dans ses recherches et parmi les journalistes rencontrés, l’intelligence artificielle ne pourra jamais faire trois choses en particulier, selon eux.

« L’IA n’écrira jamais à notre place, mais c’est faux maintenant. L’IA ne fera jamais de terrain, ce n’est plus tout à fait vrai. Quand on regarde le travail des drones pour les catastrophes naturelles ou les conflits, l’IA envahit le terrain », développe-t-il.

« L’IA ne fera jamais de l’humain. Les journalistes ont des contacts avec des humains et ça, l’IA ne peut pas le faire. Là-dessus, ils ont probablement raison. »

Entre craintes et questionnement

Concernant la possibilité d’un encadrement éthique et juridique, la demande est unanime au sein de la profession, d’après lui.

« On se heurte à un problème, puisque l’éthique, c’est flou souvent et ce n’est pas contraignant », précise Thierry Watine.

C’est le même son de cloche au niveau du droit.

« Le droit, c’est lent, alors que l’IA galope. On n’a pas encore réglé les problèmes du numérique. Imaginez alors pour l’IA », mentionne-t-il.

Pour tous les répondants, il est important de penser à former la relève. Autrement dit, il faut en parler aux jeunes et faire connaître les outils aux futurs journalistes.

Enfin, la question de la désinformation massive est l’une des préoccupations principales, mentionnées par les journalistes interrogés face à l’IA.

« Il nous reste le sens critique et l’éducation aux médias », estime-t-il.

Le seuil d’acceptabilité des contenus avec l’IA

Jusqu’où les citoyens sont-ils prêts à s’informer quand les contenus sont fabriqués partiellement ou intégralement avec l’intelligence artificielle ?

Pour M. Watine, il existe peu de données là-dessus. Selon une étude réalisée en Suisse l’an dernier, on observe un scepticisme important sur environ 1254 répondants.

« Sur l’info-service (météo, les petites annonces), l’acceptabilité est assez forte avec 61%. Là, les citoyens se montrent favorables à suivre ces contenus-là générés par l’IA. Pour le sport, c’est 41% d’adhésion et 41% de rejet », relève-t-il.

« Dès qu’on rentre dans les rubriques plus classiques de l’information comme la culture, l’économie, la science, l’info locale, nationale et internationale, le seuil d’acceptabilité est en train de tomber », pointe-t-il.

Selon ses propos, ce sont des bonnes nouvelles pour les journalistes.

« Plus les sujets sont complexes, plus l’IA devrait permettre d’aider les journalistes à faire davantage de travail en profondeur (journalisme d’enquête). L’IA n’a-t-elle pas un rôle nouveau à jouer dans le traitement médiatique des gros sujets ? C’est une hypothèse qui devra être vérifiée et une question à méditer », suggère-t-il.

« Vous avez aimé l’IA, vous allez adorer la suite. Pourquoi ? Parce qu’il faut penser à l’après-IA. Même si ça parait insensé, il faut se préparer à une prochaine vague technologique », conclut Thierry Watine.

Québec numérique est un OBNL qui met en place des projets pour faire rayonner l’écosystème numérique à Québec. La Semaine numériQC est l’un de ses événements phares. 

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