Slavko Sebez, M. Sc. Santé communautaire, s'est impliqué pendant plusieurs années comme représentant de la santé publique dans le dossier de la qualité de l'air. Il s'intéresse encore une fois à la présence des contaminants dans l'air du Vieux-Limoilou.
Les résidents du Vieux-Limoilou exposés à des concentrations élevées de dioxyde d’azote
Slavko Sebez, M. Sc. Santé communautaire, s’est impliqué pendant plusieurs années comme représentant de la santé publique dans le dossier de la qualité de l’air. Il s’intéresse encore une fois à la présence des contaminants dans l’air du Vieux-Limoilou.
Selon le récent rapport du ministère de l’Environnement du Québec, la concentration moyenne annuelle de dioxyde d’azote (NO2) enregistrée dans le secteur Vieux-Limoilou à Québec en 2021 était de 6,93 ppb (13,25 µg/m³) [1]. Donc, on constate que la concentration moyenne annuelle de NO2 dans ce secteur dépasse la valeur annuelle de qualité de l’air de 5,23 ppb (10 µg/m³) recommandée par l’OMS [2].
De plus, les données présentées dans ce rapport révèlent que la concentration maximale journalière de NO2 enregistrée dans ce secteur dépasse largement la valeur quotidienne de qualité de l’air de 13 ppb (25 µg/m³) recommandée par l’OMS. Par exemple, la valeur plus élevée de NO2 enregistrée à la station Québec – Vieux-Limoilou en 2021 était de 69,45 ppb (132,8 µg/m³) c’est-à-dire 5 fois le seuil fixé par l’OMS. De plus, on remarque que la concentration de 14,90 ppb (28,49 µg/m³) représente le 90e centile de concentrations journalières mesurées par la station Québec – Vieux-Limoilou. Cela veut dire que plus de 10 % des concentrations mesurées par cette station dépassent la valeur journalière de qualité de l’air recommandée par l’OMS.
L‘objectif général de lignes directrices de l’OMS relatives à la qualité de l’air est d‘offrir des recommandations sanitaires quantitatives sur la gestion de la qualité de l‘air, exprimées en concentrations à long ou court terme d‘un certain nombre de polluants atmosphériques majeurs. «Le dépassement des niveaux recommandés dans les lignes directrices de l’OMS est associé à des risques importants pour la santé publique».
Par exemple, une étude sur l’impact à court terme du dioxyde d’azote NO2 sur la mortalité dans 18 agglomérations françaises sur la période 2010 et 2014 montre « qu’une augmentation de 10 µg/m³ de NO2 du jour et de la veille se traduit par une augmentation de 0,75 % de la mortalité non accidentelle (IC95%: [0,4 – 1,10]). Les effets du NO2 sont plus importants chez les personnes âgées de 75 ans et plus et pendant la saison chaude. Ainsi, une augmentation de 10 µg/m³ de NO2 se traduit par une augmentation de 3,07 % de la mortalité non accidentelle le jour suivant chez les personnes âgées de 75 ans et plus » [3].
Le rapport du Groupe de travail sur les contaminants atmosphérique arrive à la conclusion que « la valeur moyenne de dioxyde d’azote (NO2) enregistrée à la station Vieux-Limoilou montre bien l’influence du trafic ». De plus, le rapport affirme que « la station Vieux-Limoilou est à proximité de plusieurs axes autoroutiers et est aussi sous influence d’activités industrielles, portuaires et ferroviaires ». [4]
En ce qui concerne les activités industrielles, les données provenant d’une étude de la ville de Québec publiée en 2021, révèlent que 224 969 tonnes de matières résiduelles sont transportées annuellement vers l’incinérateur. Pour réaliser cette activité de collecte, le nombre de voyages est estimé à 36 691 allers-retours vers l’incinérateur situé au 1230, boulevard Montmorency à Québec (Nbre. de voyages correspond au Nbre. de pesées de camions à l’incinérateur).
Donc, on estime à 235 passages de camions à ordures par le secteur Vieux-Limoilou tous les jours de la semaine (36 691 x 2 / 313 jours ouvrables = 234,4). Les émissions polluantes provenant de camions de vidange déployés pour ramassage d’ordures ménagères sur le territoire de la ville de Québec s’ajoutent aux émissions provenant des activités de camionnage déjà présentes dans le secteur. Par exemple, selon le comptage réalisé à l’usine de la White Birch le 28 mars 2018, l’usine White Birch génère 160 camions articulés en entrée et 155 en sortie, soit un total de 315 camions articulés pendant 24 heures [5]. De plus, 198 camions transitent déjà chaque jour par les installations portuaires [6].
Mentionnons que, bien que le dioxyde d’azote (NO2) soit émis principalement par le secteur du transport, les activités industrielles contribuent de manière considérable à la quantité totale de dioxyde d’azote (NO2) rejetée dans l’air ambiant dans le secteur Vieux-Limoilou à Québec. En effet, le rapport de la Direction de santé publique (DSP) divulgué en mars 2023 révèle qu’une zone de Limoilou semble être plus affectée par les émissions de dioxydes d’azote provenant des industries. Cependant, la DSP constate que la part spécifique de l’exposition totale attribuable aux industries reste à déterminer.
Selon les données provenant d’INRP, l’incinérateur de la Ville de Québec a émis 248,2 tonnes d’oxydes d’azote en 2021 [7]. Pour sa part, la papetière White Birch a rejeté pour la même période une quantité de 75,576 tonnes d’oxydes d’azote. Transports Canada estime qu’un véhicule privé qui fait 10 000 km par an émettra 5 930 grammes d’oxydes d’azote en moyenne pour une période d’un an [8]. Donc, l’usine Papiers White Birch et l’incinérateur de la Ville de Québec émettent ensemble la quantité équivalente à ce qu‘émettraient environ 55 000 voitures particulières faisant 10 000 km par an.
Les résultats des études d’exposition contrôlée à court terme menées chez des adultes asthmatiques montrent que l’exposition à des concentrations de NO2 proches de celles dans l’air ambiant provoque un éventail d’effets nocifs sur la fonction respiratoire, notamment une diminution de la fonction pulmonaire, une augmentation de l’hyperréactivité bronchique et une inflammation des voies respiratoires [9]. De plus, les données globales indiquent qu’il existe un lien de causalité entre l’exposition à court terme au NO2 dans l’air ambiant aux concentrations actuelles et une morbidité accrue associée à l’asthme (notamment une inflammation et une hyperréactivité bronchique, une augmentation des symptômes respiratoires et une hospitalisation pour de l’asthme).
Afin de réduire les risques à la santé encourus par la population du secteur Vieux-Limoilou, la Santé publique recommande dans son rapport « Mon environnement, ma santé » d’« intensifier la réduction des émissions des secteurs industriels, commerciaux et institutionnels » [10]. On s’attendait à ce que les autorités concernées énoncent précisément quelles actions concrètes et mesurables seront menées afin de réaliser ces objectifs.
Slavko Sebez, M.Sc., Santé communautaire
Références
[1] Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), Bilan de la qualité de l’air au Québec 2021, Dépôt légal – 2024. https://www.environnement.gouv.qc.ca/air/bilan/qualite-air-quebec-2021.pdf
[2] Lignes directrices OMS relatives à la qualité de l’air, Résumé d’orientation, 2021. https://iris.who.int/bitstream/handle/10665/346555/9789240035423-fre.pdf?sequence=1&isAllowed=y
[3] Santé publique – France, Pollution atmosphérique : quels sont les risques ? 11 octobre 2022. https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/pollution-et-sante/air/articles/pollution-atmospherique-quels-sont-les-risques
[4] Rapport sur le portrait de la qualité de l’air du secteur Limoilou-Basse-Ville, propositions de mesures d’atténuation et recommandations. https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/4720051
[5] ADMINISTRATION PORTUAIRE DE QUÉBEC, TERMINAL DE CONTENEURS DU PORT DE QUÉBEC, CAMIONNAGE PENDANT L’OPÉRATION DU TERMINAL, PROJET NO.: 181-03523-00 DATE : AOÛT 2018. https://iaac-aeic.gc.ca/050/documents/p80107/129842F.pdf
[6] RÉMILLARD, David, «La moitié des camions de Laurentia pourraient passer dans Limoilou», Radio-Canada, 27 septembre 2020. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1735180/camionnage-henri-bourassa-port-quebec-laurentia-circulation
[7] Environnement Canada, Inventaire national des rejets de polluants (INRP), Données de l’année 2021. https://pollution-dechets.canada.ca/inventaire-national-rejets
[8] Transports Canada, Les plans de déplacement pour les lieux de travail : Un guide à l’intention des employeurs canadiens, Janvier 2010. http://publications.gc.ca/site/fra/361763/publication.html
[9] Santé Canada, Évaluation des risques pour la santé humaine du dioxyde d’azote ambiant. https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/publications/vie-saine/evaluation-risques-pour-sante-humaine-dioxyde-azote-ambiant.html
[10] DIRECTION DE SANTÉ PUBLIQUE, Faits saillants et recommandations du projet Mon environnement, ma santé. https://www.ciusss-capitalenationale.gouv.qc.ca/sites/d8/files/docs/SantePublique/Recommandations-2023.pdf
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