Le Répit Basse-Ville a besoin d’aide

Plus d'une centaine de personnes étaient réunies jeudi matin à la Place Jacques-Cartier, face à l'édifice abritant le Répit Basse-Ville. L'endroit doit fermer ses portes pour quelques mois, faute de financement adéquat.

Le Répit Basse-Ville a besoin d’aide | 18 avril 2024 | Article par Simon Bélanger

Plus d'une centaine de personnes étaient réunies devant le 399, rue Saint-Joseph, qui servait de répit de nuit depuis décembre dernier.

Crédit photo: Simon Bélanger - Monsaintroch

Plus d’une centaine de personnes étaient réunies jeudi matin à la Place Jacques-Cartier, face à l’édifice abritant le Répit Basse-Ville. L’endroit doit fermer ses portes pour quelques mois, faute de financement adéquat.

Nous apprenions la semaine dernière que les deux nouvelles ressources de répit pour accueillir les personnes en situation d’itinérance, qui ont ouvert à la fin de l’année 2023, devaient fermer leurs portes de façon temporaire. Le répit de jour doit rouvrir en mai, tandis que le répit de nuit devra mettre ses activités sur pause pendant plusieurs mois.

Le Regroupement pour l’aide aux aux itinérants et itinérantes de Québec (RAIIQ) organisait ce rassemblement, afin de demander un financement suffisant et récurrent pour ces organismes qui œuvrent auprès des clientèles les plus vulnérables.

«La fermeture temporaire du Répit Basse-Ville et la diminution de la couverture de service pour les mois à venir est symptomatique des enjeux plus larges auxquels font face les organismes communautaires en itinérance. À l’heure actuelle, d’autres organismes communautaires vivent des enjeux importants en matière de financement, qui menacent leur offre de services : l’insuffisance, l’imprévisibilité et la non-récurrence du financement ont des impacts significatifs pour les organismes et les personnes qui utilisent les services», déplore Mary-Lee Plante, coordonnatrice au RAIIQ.

Mme Plante ajoute qu’il faut sortir d’une «logique d’urgence et saisonnière» qui se trouve derrière le financement des organismes qui œuvrent en itinérance.

Appel du cœur

Odette Gagnon travaille comme intervenante au Répit Basse-Ville. Elle sent que les personnes qui vivent dans la rue sont encore une fois laissées à elles-mêmes.

«Les habitants de la rue se sentent abandonnés et rejetés, c’est clair. Ce n’est pas la première fois qu’ils se sentent abandonnés. Ils se sentent joués par les apparitions et les disparitions de ces répits. Ils le vivent depuis peut-être trop longtemps», soutient Mme Gagnon dans son discours.

Selon ses observations, le Répit accueillait environ 115 personnes par nuit. Elle s’inquiète pour la santé et la sécurité de ces gens avec qui elle a tissé des liens au cours des derniers mois.

«La rue n’offre pas de sécurité tant que ça et elle n’offre pas de repos non plus. Ils ont besoin d’endroits où se déposer. C’est difficile pour eux autres de comprendre ce qui est en train de se passer», ajoute-t-elle.

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De son côté, Kassandra Roach a elle-même profité des services offerts par différents organismes œuvrant en itinérance, alors qu’elle a vécu dans la rue pendant trois ans. Dans un poème senti, elle a rendu hommage à la chaleur des lieux d’accueil et des intervenants qui ont pris soin d’elle. Elle espère d’ailleurs qu’en dépit des fermetures, les personnes qui vivent dans la rue bénéficient d’une certaine empathie.

«J’aimerais terminer en lançant un message à vous citoyens, gens de la ville, policiers, surtout pour le mois qui suit, les être qui vivent dans nos rues vont l’avoir plus difficile. Leur routine, leur sentiment de sécurité et de soutien, et leur qualité de vie, pour beaucoup, peuvent être affectés, et par le fait même être plus à risque de déborder émotionnellement. Donc s’il-vous-plaît, essayer de vous munir de plus de tolérance, d’ouverture, de bienveillance et de compréhension pour ces temps roughs pour eux», invite Kassandra, qui est aujourd’hui pair-aidante.

Cassandra, Odette Gagnon et Mary-Lee Plante ont pris la parole pour démontrer leur soutien envers le Répit Basse-Ville.
Crédit photo: Simon Bélanger - Monsaintroch

Invitation aux élus de la CAQ

Des représentants du monde politique étaient présents au rassemblement. Étienne Grandmont, député de Québec solidaire dans la circonscription de Taschereau, a profité de l’occasion pour inviter ses collègues caquistes de la région à prendre une marche dans Saint-Roch, afin de prendre conscience de la réalité vécue par les intervenants et par les personnes en situation d’itinérance.

«Arrêtez de […] regarder [la crise de l’itinérance] à travers les médias, arrêtez de la regarder à travers des tableaux de bord. Venez la voir et convainquons ensemble l’ensemble du gouvernement de François Legault d’investir dans la prévention et l’accompagnement en situation d’itinérance. C’est un investissement qu’on doit faire», propose M. Grandmont.

Il se dit d’ailleurs prêt à travailler avec les ministres comme Lionel Carmant (Services sociaux) et France-Élaine Duranceau (Habitation) à  «être meilleurs» face à la situation de l’itinérance.

De son côté, Marie-Pierre Boucher, responsable de l’itinérance sur le comité exécutif de la Ville de Québec, a aussi pris la parole, afin de demander un financement récurrent au gouvernement provincial. Elle souhaite une prévisibilité aux organismes communautaires. Ils éviteraient ainsi de toujours devoir «gratter les fonds de tiroir».

«La recherche de financement gruge du temps, gruge de l’énergie aux organismes. Au lieu d’être au meilleur de ce qu’ils sont capables de faire, au lieu d’être en train de donner des services, des soins, de l’accueil. Au lieu d’accueillir les gens à bras ouverts, ils sont en train d’encore, encore et encore chercher de l’argent. L’absence de financement récurrent donne des maux de tête», dénonce Mme Boucher.

Elle aussi a lancé un appel à François Legault et aux différents ministres à agir. Mme Boucher souhaite que leur «ambition soit à la hauteur de la crise». Également responsable du logement sur le comité exécutif,  elle s’inquiète d’ailleurs face à l’échéance du 1er juillet, estimant que 350 nouveaux ménages pourraient se retrouver à la rue à Québec.

En entrevue avec Monsaintroch, Marie-Pierre Boucher ajoute que la Ville a agit pour offrir de la prévisibilité à ses organismes partenaires.

«Déjà depuis début janvier, on a investi au-delà de 1,5 M$ en soutien à nos organismes communautaires. On est venus leur donner de la prévisibilité. On s’est engagé à leur donner des financements sur trois ans et c’est ce qu’on a fait. On a augmenté les financements», précise-t-elle.

Mme Boucher ajoute que la Ville a aussi mis à la disposition des locaux, dont elle assure l’entretien et l’aménagement.

Marie-Pierre Boucher, responsable du dossier de l’itinérance sur le comité exécutif.
Crédit photo: Simon Bélanger - Monsaintroch

Le financement récurrent, le nerf de la guerre

De son côté, Claude Villeneuve, chef de l’opposition à l’hôtel de ville, estime que les intervenants «se sentent un petit peu abandonnés par les décideurs». Plus tôt cette semaine, son équipe a d’ailleurs fait parvenir une lettre au ministre Lionel Carmant, afin d’obtenir des «ressources financières supplémentaires et suffisantes».

« Il faut que le financement descende. Ça arrive au compte-gouttes. On n’a jamais autant parlé d’itinérance au Québec au cours des dernières années. On sent que le gouvernement pellette ça dans la cour des municipalités et qu’on n’a pas encore saisi l’urgence de la situation », affirme le chef de Québec d’abord.

Pour Jackie Smith, cheffe de Transition Québec, il était «prévisible que les gens soient brûlés», en raison de l’absence d’un financement récurrent.

«Ce qui est déplorable, c’est que c’est évident qu’on ne règle pas la précarité avec la précarité. Si on avait un financement qui était prévisible à long terme, un programme structuré et structurant, on ne se trouverait pas constamment à demander quelque chose pour l’hiver. L’hiver, c’est quand même prévisible, donc il faut un plan à long terme pour sortir les gens de l’itinérance», demande Mme Smith.

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