Tramway : «trahison», «déception» ou «optimisme» dans les conseils de quartier

Quelques heures avant que le gouvernement Legault ne tranche sur le tramway, plus de la moitié des conseils de quartier de Québec avaient lancé un dernier plaidoyer, pour défendre le projet. 24 heures plus tard, frustration et déception sont perceptibles chez plusieurs face au retrait du dossier des mains de la ville de Québec.

Tramway : «trahison», «déception» ou «optimisme» dans les conseils de quartier | 9 novembre 2023 | Article par Simon Bélanger

Les réactions ont fusé dans les différents conseils de quartier ce jeudi.

Crédit photo: Ville de Québec

Quelques heures avant que le gouvernement Legault ne tranche sur le tramway, plus de la moitié des conseils de quartier de Québec avaient lancé un dernier plaidoyer, pour défendre le projet. 24 heures plus tard, frustration et déception sont perceptibles chez plusieurs face au retrait du dossier des mains de la ville de Québec.

Mercredi dernier, 14 conseils de quartier joignaient leur voix pour demander au gouvernement du Québec d’accepter le plan déposé par la Ville de Québec la semaine dernière. Le maire Bruno Marchand annonçait alors qu’aucun consortium n’avait finalement soumis de proposition.

M. Marchand proposait alors son «plan B», qui consistait en une reprise du dossier par la Ville de Québec. Il croyait alors qu’un budget d’environ 8,4 G$ serait nécessaire pour réaliser la phase 1. Avant cette conférence, différents médias faisaient état d’une facture ayant grimpé jusqu’entre 10 et 13 G$.

Cette proposition a finalement reçu une fin de non-recevoir par le premier ministre du Québec, François Legault, mercredi dernier, en fin de journée. Le gouvernement caquiste a plutôt annoncé que la Caisse de dépôt et de placement du Québec (CDPQ) reprendrait le flambeau des mains de la Ville. Celle-ci devra proposer un projet de transport structurant d’ici six mois.

Déception dans le Vieux-Limoilou

Les conseils de quartier étaient consultés par le Bureau de projet du tramway de Québec, à propos de son implantation dans les différentes secteurs de la ville.

Raymond Poirier, président du conseil de quartier du Vieux-Limoilou, partage sa déception face à cette décision, d’autant que le projet était déjà en cours de réalisation. Il craint que ce transfert de dossier dans les mains de la CDPQ crée une distance avec les instances citoyennes.

« Il pourrait y avoir un manque de sensibilité au niveau de l’implantation d’un transport structurant, peu importe sa forme. […] On ne dit pas que tout était parfait avec le Bureau de projet. Mais il y avait des consultations et une volonté d’inclure la population qui était dans les quartiers», indique M. Poirier.

Il estime aussi que la CDPQ, qui est derrière le projet de REM dans la région montréalaise, pourrait répéter les mêmes erreurs, comme elle a des exigences de rentabilité. Depuis l’ouverture des premières stations du REM à l’été 2023, les critiques fusent, notamment face aux pannes et à un service à la clientèle déficient.

Raymond Poirier rappelle aussi qu’une première mouture du projet, qui comprenait une meilleure interconnexion avec la périphérie, avait été abandonnée, pour des contraintes budgétaires, en 2020. Il voit donc cette décision du gouvernement comme un « deuxìème » abandon, celui de la «colonne vertébrale d’un réseau de transport structurant ».

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«C’est dommage, parce que les quartiers centraux vivent avec la réalité d’un transport collectif de plus en plus vacillant. Sur certains parcours, la capacité maximale est pas mal atteinte. C’est difficile d’ajouter à la desserte actuelle», conclut le résident du Vieux-Limoilou.

Raymond Poirier, président du conseil de quartier du Vieux-Limoilou.
Crédit photo: Jean Cazes

«Sentiment d’impuissance» dans Lairet

Du côté de Lairet, le conseil de quartier tenait son assemblée mercredi soir, à peine quelques heures après la rebuffade du gouvernement envers la Ville.

Claude Villeneuve, chef d’opposition à l’hôtel de ville et conseiller de Maizerets-Lairet, a lui-même exprimé qu’il continue de penser que «le meilleur mode, c’est le tramway». Il craint d’ailleurs l’absence de «contrôle démocratique» avec une reprise du projet par la CDPQ.

Julie Tremblay-Potvin, présidente du conseil de quartier, affirme que la «déception était palpable» hier soir, un citoyen se disant même «sidéré» par la décision du gouvernement Legault.

«À peu près toutes les grandes villes en Europe, et même ici au Canada, ont un tramway. C’est un manque de vision que je trouve incroyable», a-t-il ajouté en cours de soirée.

Julie Tremblay-Potvin, présidente du conseil de quartier de Lairet.
Crédit photo: Tammy Lacasse

Mme Tremblay-Potvin ajoute que le conseil de quartier a l’impression qu’il s’agit d’un «projet d’envergure qui [leur] échappe à nouveau», après le changement du tracé, qui ne se rendait plus vers Charlesbourg. Elle déplore notamment le «statu quo» dans le développement de la 1re Avenue.

«Nous avons vraiment le sentiment que le projet nous échappe et que nous aurons ainsi beaucoup moins d’influence sur l’évolution de notre ville et de nos quartiers», ajoute-t-elle par courriel.

Les administrateurs du conseil de quartier affirment cependant ne pas vouloir «tomber dans le cynisme» et croient que «le projet peut encore se réaliser».

«Trahison» et «régression»

Alexia Oman, présidente du conseil de quartier de Saint-Roch, ne mâche pas ses mots pour qualifier la décision annoncée hier.

«Le récent abandon de la CAQ du projet de tramway de Québec est plus qu’une déception, c’est une trahison envers les citoyen.ne.s et une régression pour l’avenir de notre ville. En refusant un système de transport structurant, le gouvernement tourne le dos non seulement aux habitant.e.s des quartiers centraux, mais aussi à quiconque rêve d’une capitale moderne, écologiste et efficace », dénonce Mme Oman.

Elle regrette «l’absurdité» d’un «retour à la case départ», alors que «les grandes villes du monde prospèrent grâce à des infrastructures de transport novatrices».

«Il est temps que nos dirigeant.e.s reconnaissent l’importance d’investir dans l’avenir de notre ville et de ses citoyen.ne.s. Le tramway n’était pas seulement un moyen de déplacement, c’était le fil conducteur d’une vision ambitieuse pour Québec», s’indigne la présidente du conseil de quartier de Saint-Roch.

Elle invite d’ailleurs la population à démontrer son appui au tramway lors d’une manifestation qui aura lieu le dimanche 12 novembre, à 12h, au parc de l’Amérique française.

Alexia Oman, présidente du conseil de quartier de Saint-Roch.
Crédit photo: Marie-Andrée Jean

Touche d’«optimisme» dans Saint-Sacrement

Sans se désolidariser de ses collègues, Bertrand Gemme, président du conseil de quartier de Saint-Sacrement, rappelle l’appui de son organisation envers un projet de transport structurant. Il ne se prononce toutefois pas à savoir si, oui ou non, le meilleur projet était un tramway.

M. Gemme affirme avoir parlé à beaucoup de gens du quartier, notamment lors de la dernière fête d’Halloween. Ces personnes lui disaient ne pas avoir voté en 2021 pour un projet qui s’élevait à au moins 8 G$.

«Beaucoup de personnes disaient que le tramway, de la manière qu’il était fait, c’était juste un remplacement des [parcours] 800 et 801 et que ça n’apportait pas vraiment une grosse plus-value. Je ne suis pas un expert, ni en urbanisme, ni en transport, mais on se fie à ce que le monde nous dit d’un côté et de l’autre», ajoute-t-il en entrevue.

Bertrand Gemme déplore aussi que les échanges avec la ville dans le dossier n’ont pas toujours été fluides.

«Quand on écoute le dernier conseil municipal, je pense que c’était assez unanime de la part des oppositions que le gros problème, c’est qu’il y avait un manque de communication venant de la Ville», affirme-t-il.

Plutôt «optimiste», il croit d’ailleurs que cet arrêt du projet pourrait permettre de réfléchir à un projet de transport en commun «plus englobant» pour la grande région de Québec, qui permettrait notamment une meilleure connexion avec la Rive-Sud.

Bertrand Gemme ajoute d’ailleurs que le maire Marchand, en conférence de presse jeudi matin, a mentionné qu’une des cinq clés du succès, c’était qu’un projet de transport structurant «forme une vision pour toute la région».

Interrogé sur sa décision de quand même se joindre à la lettre d’appui des différents conseils de quartier, M. Gemme précise qu’il aurait demandé un «assouplissement» du texte, mais se dit conscient que les 14 signataires n’auraient pas pu tous le demander.

«Au conseil de quartier, on a toujours dit que c’était un transport structurant au meilleur rapport qualité-prix possible pour les besoins qu’on a et qu’on va avoir dans 50 ans. On a signé dans cette optique-là», nuance-t-il.

Rappelons finalement que, selon les sondages, l’appui populaire au projet était en chute libre à Québec. Celui publié en octobre par Léger et la Ville de Québec faisaient état que 36% des résidents de Québec avaient une bonne opinion du projet, quelques jours avant l’annonce d’un plan B par Bruno Marchand.

Cet article bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le Gouvernement du Canada.

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