« C’est nickel » : l’art s’invite autour de la Table citoyenne Littoral Est

Crédit photo: Wartin Pantois (recadré)
En écho à la mobilisation citoyenne contre la hausse de la norme sur le nickel dans l’air ambiant, Wartin Pantois a dévoilé samedi une série de trois œuvres. Le triptyque Greenwash inclut une pièce nommée « Le port (c’est nickel) ».
Les trois impressions rehaussées à l’acrylique diffèrent des oeuvres à grande échelle de Wartin Pantois. Une peinture verte quasi-fluorescente dégouline sur le port de Québec, l’incinérateur et la raffinerie à Lévis. Les collages sur bois font 20 cm par 25 cm et 4 cm d’épaisseur, précise l’artiste.
« Idéal comme petit bois pour partir un feu de foyer en temps de grand froid et ainsi contribuer à l’air ambiant », nous a-t-il dit dans un échange par messagerie texte.
Greenwash se dévoile en marge d’une mobilisation de citoyen.ne.s et d’élus municipaux de Limoilou et Maizerets-Lairet. Ceux-ci souhaitent que la Ville de Québec s’oppose à la modification de la norme sur le nickel projetée par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.
Rappelons que le projet de règlement provincial prévoit faire passer la norme journalière de nickel de 14 à 70 nanogrammes par mètre cube (ng/m3). Cette hausse s’assortirait d’une norme annuelle de 20 ng/m3. À la suite de l’annonce de ce projet de règlement à la mi-décembre, la Table citoyenne Littoral Est a orchestré avec des allié.e.s une manifestation éclair à la place Limouloise le 22 décembre. Une consultation publique est en cours.
« Là où on vit peut nous tuer »
Le 13 janvier en soirée, une assemblée publique virtuelle organisée par la Table citoyenne Littoral Est a réuni quelque 150 citoyen.ne.s des quartiers centraux.
Membre de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement, la Dre Johanne Elsener y a présenté les impacts sur la santé du nickel dans l’air ambiant. « Là où on vit peut nous tuer », a-t-elle lancé en amorce. Les polluants atmosphériques sont un déterminant important des inégalités environnementales qui affectent la santé, a-t-elle ajouté. Un rapport de Santé Canada de 2021 leur attribue 4000 décès prématurés par an au Québec. Ils se chiffrent à 300 à Québec, un nombre 3,5 fois plus élevé que les décès sur la route, a indiqué Johanne Elsener.
Son survol des pathologies causées ou favorisées par l’exposition au nickel va des allergies aux cancers nasaux et pulmonaires en passant par l’athérosclérose. Les lésions au cerveau, la perturbation des facultés cognitives et du développement de l’enfant y figurent également.
Une « soupe » qui déborde
Véronique Lalande, d’Initiative de vigilance citoyenne du Port de Québec, a présenté à son tour des données du Programme du Réseau national de surveillance de la pollution atmosphérique. Elles proviennent d’échantillonnages effectués de 1993 à 2019. La seule station locale d’échantillonnage se trouve à côté du parc d’Iberville, a rappelé Mme Lalande.
Lors de pics, les concentrations de nickel relevées ont atteint jusqu’à 1384 ng/m3, selon les données colligées. Or il y a des effets sur la santé humaine dès qu’on dépasse 40 ng/m3, a indiqué Mme Lalande.

Le verre de pollution déjà plein du secteur débordera davantage si la norme sur le taux de nickel dans l’air ambiant s’élève, a illustré Marcel Paré de la Table citoyenne Littoral Est. À leur tour, Raymond Poirier et Daniel A. Guay ont rappelé la mobilisation citoyenne amorcée depuis 2012 pour sensibiliser les instances d’administration publique à cette « soupe toxique ».
Au fil de la rencontre, plusieurs ont déploré que les intérêts industriels et économiques passent avant la santé de la population. Depuis 2013, des acteurs de l’industrie minière réclament la hausse de la norme québécoise, resserrée en 2012. Un article de David Rémillard de Radio-Canada le rappelait le 16 décembre.
« Sensibiliser les élu.e.s »
La rencontre publique de la Table citoyenne Littoral Est s’est conclue par une invitation à participer à la mobilisation contre la hausse de la norme sur le nickel. La Table propose aux citoyen.ne.s d’écrire dans un premier temps au maire Bruno Marchand et aux conseillers municipaux. Dans un second temps, elle les encourage à écrire au ministre de l’Environnement, et à s’exprimer dans le cadre de la consultation provinciale. D’autres actions se dévoileront plus tard, sur sa page Facebook notamment.
Les membres de la Table citoyenne ont mis en ligne des modèles de textes à utiliser pour « sensibiliser les élu.e.s ». On les retrouve, avec les présentations du 13 janvier et d’autres informations, au https://littoralcitoyen.org/qualite-de-l-air.
Un report pour le conseil municipal
Le conseil municipal devait se prononcer ce lundi 17 janvier sur un avis de proposition de Jackie Smith et de Claude Villeneuve, conseillers des districts de Limoilou et de Maizerets-Lairet. Ceux-ci demandent au conseil municipal de s’opposer à la révision de la norme provinciale sur le nickel. Ils souhaitent que la Ville de Québec exprime cette opposition dans le cadre de la consultation publique provinciale. Or vendredi, le maire Bruno Marchand et le comité exécutif ont reporté cet avis de proposition à l’ordre du jour de la séance du 7 février.
Dans un communiqué émis samedi, Jackie Smith déplore le « manque de leadership » du maire dans le dossier du nickel. Elle s’inquiète que la prise de position de la Ville de Québec se fasse trop près de l’échéance, fixée au 20 février, pour le dépôt des mémoires dans le cadre de la consultation. Claude Villeneuve, qui partage cette inquiétude, s’est exprimé dans une lettre ouverte publiée par le Journal de Québec.
« L’allègement réclamé par l’industrie et souhaité par le gouvernement du Québec s’oppose aux objectifs de développement durable qui visent l’équilibre entre les impacts environnementaux, sociaux et économiques des activités humaines », écrit-il entre autres.
En écho aux réactions des deux conseillers municipaux, on a pu lire la déception de la Table citoyenne Littoral Est et des conseils de quartier du Vieux-Limoilou et de Maizerets.
Au cabinet du maire, on dit vouloir « écouter la science », rapporte le Journal de Québec. Des experts, représentants d’associations, fonctionnaires municipaux et provinciaux doivent prendre part à un comité plénier d’ici le 7 février. La Table citoyenne Littoral Est et ses allié.e.s estiment quant à eux que la science a déjà parlé.
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