Flore et faune locales : l’asclépiade commune et ses multiples utilités

Le dixième article de cette série cherche à valoriser une autre de ces « mauvaises herbes » aux jolies fleurs qui peuplent les terrains vagues et les abords de nos rues et ruelles. Nourriture du bien-aimé papillon monarque, l'asclépiade commune en est la dernière vedette de cette saison.

Flore et faune locales : l’asclépiade commune et ses multiples utilités | 20 août 2021 | Article par Jean Cazes

L’asclépiade commune. Boisé du CN, secteur Lairet. 23 juillet 2014.

Crédit photo: Jean Cazes

Le dixième article de cette série cherche à valoriser une autre de ces « mauvaises herbes » aux jolies fleurs qui peuplent les terrains vagues et les abords de nos rues et ruelles. Nourriture du bien-aimé papillon monarque, l’asclépiade commune en est la dernière vedette de cette saison.

Une vivace au latex collant

Colonie d’asclépiade commune dans une ruelle du Vieux-Limoilou. L’aire de répartition de cette espèce englobe tout le centre et l’est du continent. 27 juillet 2021.
Crédit photo: Jean Cazes

La description générale qui suit de l’asclépiade commune est tirée de Plantes sauvages des villes et des champs (FIDES, 1978, 1re édition). Il s’agit d’un des incontournables guides d’identification du groupe Fleurbec et de sa fondatrice, feu Gisèle Lamoureux. L’auteur de cet article l’a bien connue en participant, au début des années 1990, au projet de Sentier éducatif de la tourbière Grande plée Bleue.

Aussi nommée « asclépiade à ouate », l’asclépiade commune (Asclepias syriaca) est une vivace à rhizome charnu, à tige robuste et poilue. Sa hauteur peut atteindre facilement un mètre. Toutes ses parties renferment un latex blanc et collant.

« [Ses] fleurs [sont] nombreuses, très parfumée, roses, groupes en boules. Graines surmontées de longues soies blanches, contenues dans une enveloppe épaisse et rugueuse (long. 6-12 cm). »

Bien qu’elle soit une espèce indigène de l’Amérique du Nord, l’asclépiade commune est aussi envahissante que la plupart des plantes introduites. Pensons entre autres à la chicorée sauvage, sujet d’un précédent article. L’asclépiade commune se plaît dans les champs, mais aussi en milieu naturel le long des cours d’eau. Comme Fleurbec le souligne, cette plante tolère mieux un manque d’eau qu’un excès. Elle a aussi besoin de beaucoup de lumière pour achever son cycle biologique.

Autrefois, l’asclépiade commune était utilisée par les Amérindiens pour certaines propriétés médicinales. Les avis sont toutefois partagés sur son intérêt culinaire. La cuisson des parties tendres de la plante est fortement recommandée pour éliminer la légère toxicité de sa sève.

La vedette de l’activité du 5 sptembre 2009.
Crédit photo: Jean Cazes

Indispensable pour un « grand » migrateur

Seule nourriture des chenilles du monarque, l’asclépiade est essentielle à la survie de ce papillon qui fait l’objet de campagnes de sensibilisation. Souvenons-nous entre autres de l’activité récurrente de l’Envolée des monarques au Domaine de Maizerets, il y a quelques années. Celle de 2009 avait eu lieu en présence du maire Labeaume.

Le Jardinier paresseux, Larry Hodgson, souligne dans un article publié en 2018 :

« En Amérique du Nord, le déclin du papillon monarque (Danaus plexippus) […] est très médiatisé. Sa population décroît depuis au moins 50 ans et, à compter de 2008, la population a chuté de façon particulièrement draconienne, de 1 milliard de papillons à 93 millions. »

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Chenille de monarque sur une asclépiade tubéreuse.
Crédit photo: Marshal Hedin, Wikimedia Commons

Une grande partie de ce déclin découlerait des pratiques de monoculture et de l’utilisation d’herbicides sur une grande échelle. À cela se grefferaient une suite de perturbations climatiques au Texas, qui est sur la route du papillon. On pointe aussi du doigt « la coupe des forêts au Mexique où les monarques passent plusieurs mois en dormance chaque hiver ».

En fonction du cycle de vie des monarques, l’horticulteur explique que le problème s’accentue à la fin de l’été et à l’automne. Leur migration se fait en plusieurs générations. Au printemps, leurs chenilles trouvent leur compte en asclépiades le long de ce parcours générationnel du sud au nord. Mais le retour jusqu’au centre du Mexique s’effectue au cours d’une seule génération. Sur ce trajet de quelque 4800 km, le monarque a besoin de fleurs nectarifères, et non d’asclépiades.

« Ce ne sera qu’au mois de mars ou avril, soit 5 à 7 mois plus tard, quand les papillons monarques se réveilleront de leur dormance hivernale, que la recherche d’asclépiades recommencera », ajoute Larry Hodgson.

Ainsi, des scientifiques considèrent que la plantation de plantes à nectar à floraison tardive serait plus importante que celles d’asclépiades. Larry Hodgson propose la création d’oasis pour les monarques. Il suggère notamment leur emplacement au plein soleil dans un endroit protégé du vent. Il recommande d’y incorporer des asclépiades pour les chenilles et une bonne variété de plantes aux fleurs regroupées pour les adultes. L’espèce commune Asclepias syriaca étant jugée quelque peu envahissante, il préfère des variétés de diverses couleurs trouvées en pépinière. L’horticulteur suggère parmi d’autres fleurs de fin d’été la verge d’or, que nous avons présentée la semaine dernière.

Vers une nouvelle industrie québécoise du textile?

Fruits de l’asclépiade commune, aussi appelés « petits cochons ». Secteur Maizerets. 14 août 2021.
Crédit photo: Jean Cazes

Dans son reportage Les grandes promesses de l’asclépiade, la soie d’Amérique diffusé en mars dernier, Fanny Samson souligne l’entrée récente de l’asclépiade sur le marché du textile pour les propriétés de sa soie, cueillie à partir de l’aigrette de la graine. « Elle produit une fibre résistante, hydrophobe et légère, un excellent isolant. »

La fructification en septembre de l’asclépiade commune.
Crédit photo: Groupe Fleurbec

La Coopérative Monark est un premier regroupement d’une centaine de producteurs québécois d’asclépiades qui cherchent à mettre en valeur cette « mauvaise herbe » dans leur champs. Certes, cette production recèle un grand potentiel industriel pour le Québec. Cependant, elle se heurte à des lacunes au niveau des équipements de récolte et de transformation, même si celles-ci semblent maintenant au point. Reste aussi le défi de regagner la confiance des agriculteurs.

Faute de fournisseurs d’asclépiades, l’entreprise Quartz, par exemple, a dû renoncer à poursuivre son aventure de fabrication de manteaux. Eko-Terre, de Cowansville a repris ce créneau, mais sans rien promettre pour l’instant. Ce fournisseur de textile s’est lancé dans  l’asclépiade en janvier 2019. « Leur nouveau produit, VEGETO, est vendu depuis janvier 2021. Ces rouleaux d’isolant d’asclépiade sont biodégradables et sans plastique. »

Enfin, deux jeunes entrepreneurs de Québec (Lasclay) ont lancé l’an dernir des mitaines en soie d’Amérique. S’ils pensaient vendre une centaine de paires, ils ont été surpris par la demande…

« Tous les joueurs sont persuadés que l’asclépiade peut révolutionner l’industrie du textile. Mais la conquête du globe doit passer par la conquête de l’Amérique du Nord », conclut Fanny Samson.

Asclépiade commune. Dans un champ du secteur Lebourgneuf. 5 juillet 2006.
Crédit photo: Jean Cazes

Lire l’article précédent de cette série : Flore et faune locales : la verge d’or et ses fleurs ensoleillent la fin de l’été.
À lire aussi : « Menaces anonymes » d’un voisin contre un jardin de plantes indigènes.

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