Plus de tramway, moins d’idéologie

En réaction au texte Cinq vérités sur le réseau structurant de transport en commun d'Érick Rivard, un citoyen de Limoilou qui rentre d'une année en Europe plaide pour le tramway à Québec.

Plus de tramway, moins d’idéologie | 28 février 2020 | Article par Monquartier

Crédit photo: Ville de Québec

En réaction au texte Cinq vérités sur le réseau structurant de transport en commun d’Érick Rivard, un citoyen de Limoilou qui rentre d’une année en Europe plaide pour le tramway à Québec.

C’était un matin où j’étais coincé dans le 801, avec ma conjointe enceinte (qui ne pouvait pas s’asseoir par manque de place), en route vers un rendez-vous pour une échographie. Je lisais, avec lassitude, une nouvelle lettre d’opinion dans le journal Le Soleil provenant de l’action visiblement concertée des anti-tramway. Celle-ci avait été écrite, à nouveau, par l’ex-chroniqueur Donald Charrette, qui est notoirement anti-transport en commun et anti-Labeaume depuis de nombreuses années. Il reprenait pour une xe fois les mêmes arguments bancaux sur la ville « coupée en deux » et l’inutilité d’un tramway sur un trajet ressemblant au parcours du 801.

Mon premier réflexe a été de me dire : combien d’entre eux ont déjà pris le Métrobus à l’heure de pointe? Pourquoi ces gens sont-ils surpris que le réseau structurant débute sur les milieux les plus denses? C’est ainsi partout dans le monde! On construit les modes de transport lourds dans les quartiers où on a une assurance de fréquentation élevée.

Ma deuxième pensée a été : combien d’entre eux ont déjà vu un système de tramway moderne pour prétendre que le tramway « coupe une ville en deux »? Toutes ces villes européennes, qu’on trouve si inspirantes lorsqu’on les visite, sont-elles coupées en deux?

Une fois mon calme repris – et ma conjointe finalement assise après plusieurs arrêts –, je me suis dit qu’il fallait répliquer à cette nébuleuse des anti-tramway. Car à la quantité de mensonges et de faussetés que ces gens propagent, à la radio surtout, ainsi que dans des lettres d’opinion et sur les réseaux sociaux, plusieurs citoyens en viennent à douter du projet de réseau structurant et de sa composante tramway. Érick Rivard a déjà démystifié certaines idées reçues de brillante façon; je tiens à ajouter d’autres éléments à la réflexion.

Personnellement, j’explique avec fierté à mes deux jeunes enfants qu’ils pourront prendre le tramway en 2026 et dans le futur. Pourtant, bien sincèrement, au-delà des arguments, je dois avouer que le débat actuel m’attriste un peu. On vit en effet une situation particulière dans la région de Québec : en pleine crise climatique, où il y a urgence de développer les transports en commun afin de diminuer les GES, on retrouve une quantité non-négligeable de gens qui font tout en leur possible pour abattre un projet structurant de transport collectif.

Ce projet a pourtant été longuement réfléchi par les fonctionnaires et experts de la Ville de Québec et du RTC. Il a été appuyé financièrement par les deux paliers de gouvernement, après analyse approfondie de leurs spécialistes respectifs, et il est fortement soutenu par les groupes écologistes régionaux (Accès transports viables) et nationaux (Équiterre, Vivre en ville, Fondation David Suzuki, etc.). Tout cela, en suscitant un large appui dans la société civile et les milieux d’affaires. Mais non, ces gens veulent avoir un scalp de plus à leur crédit, après celui du SRB. Pourquoi?

Il faut se rendre à l’évidence : les opposants les plus viscéraux au projet de réseau structurant sont, dans les faits, des tenants de la droite dure et du libertarisme. Ils réfutent les changements climatiques, ne veulent rien savoir de développer le transport collectif à l’aide d’investissements publics et sont prêts à tous les arguments fallacieux et mensongers pour atteindre leur but. Influencés par des animateurs de radios privées, on les retrouvera dans une manifestation près de chez vous, en mars prochain. Ajoutons que plusieurs d’entre eux ne vivent même pas à Québec.

Et ceux qui appuient le « métro », quelle est leur motivation profonde? Je ne doute pas que plusieurs d’entre eux soient de bonne foi, mais ils ne semblent pas se poser les bonnes questions et s’improvisent soudainement spécialistes de l’aménagement du territoire. Ils auraient, eux, raison envers et contre tous (et contraire l’avis de tous les experts du secteur…).

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Moi, je leur demanderais ceci : qu’arriverait-il si, hypothétiquement, le projet de réseau structurant tombait (comme cela semble être leur objectif)? Essentiellement trois choses :

  1. 1- Les deux paliers de gouvernement retireraient leurs billes, car leur appui est conditionnel au projet actuel qu’ils ont étroitement analysé et approuvé, et ils perdraient confiance dans l’administration municipale, qui aurait échappé un deuxième projet majeur de transport collectif. Bref, retour à la case départ.
  2. 2- Les fonctionnaires de la Ville devraient se remettre à la planche à dessin, pour plusieurs mois voire des années, pour monter un projet que les politiciens municipaux pourraient soumettre afin de tenter, à nouveau, de convaincre les gouvernements supérieurs de financer un projet X impliquant un métro.
  3. 3- Les politiciens des paliers supérieurs concluraient, après analyse de leurs machines administratives respectives, que le métro n’est pas adapté pour Québec, qu’il coûte trop cher, et que la Ville doit revoir sa demande en fonction des budgets existants et de sa population/densité.

Pendant ce temps, on aurait perdu encore plusieurs années, et Québec demeurerait sans amélioration notable de son transport collectif. Un cul-de-sac en somme. Belle perspective.

Personnellement, je reviens d’une année passée en Europe, où j’ai été à même de constater à quel point les tramways modernes sont merveilleux et forment un outil de choix pour la lutte aux changements climatiques et la revitalisation urbaine.

En effet, les statistiques des villes scandinaves (Oslo et Helsinki) nous le rappelaient récemment : grâce à la reconfiguration des artères associée aux tramways/trambus, la sécurité routière monte en flèche et les transports actifs (piétons, cyclistes) sont favorisés. Et oui, diminuer la place de la voiture – et sa vitesse – dans nos quartiers centraux densément peuplés générerait énormément de bénéfices en termes de santé publique : c’est d’ailleurs la tangente que prennent les villes modernes partout dans le monde.

En France, 29 villes (oui oui 29!), de taille inférieure ou supérieure à Québec, possèdent un réseau de tramway. Dans ces villes, on ne débat plus sur le bien-fondé du tramway : on pense plutôt au futur et à comment desservir plus de quartiers. D’ailleurs, près d’une vingtaine de villes travaillent sur une extension de leur réseau et les éléments municipaux actuels en France font l’objet de diverses promesses en la matière.

Prenons le cas de la ville de Strasbourg, plus dense que Québec, mais avec une population inférieure : après avoir hésité entre le métro et le tramway (!), elle a opté pour ce dernier. La première ligne fonctionnelle est entrée en service en 1994. Aujourd’hui, après de multiples extensions rendues possibles par le coût raisonnable du tramway, le réseau de tramway est désormais composé de six lignes (48 km en tout) et il se rend dans la ville voisine de Kehl (en Allemagne), tout en poursuivant son développement.

Voilà en effet un autre avantage du tramway versus le métro : son coût au kilomètre est sensiblement plus bas, permettant d’envisager raisonnablement un développement du réseau à moyen-long termes. Pour le futur, c’est exactement à cela que j’invite les partisans du métro : au lieu de prêcher dans le désert, pourquoi ne pas exiger plus de tramway et ne pas demander qu’on réfléchisse immédiatement à l’après-réseau structurant?

Commençons donc par exiger un tramway à l’intérieur du 3e lien! Et demandons que la ligne de trambus du réseau structurant soit construite de manière à être convertible pour devenir la deuxième ou troisième ligne de tramway à moyen terme. Et ensuite, pourquoi pas une quatrième ligne qui partirait de l’aéroport et qui joindrait le pôle d’échanges de l’Université Laval, après avoir desservi le Cégep Sainte-Foy? Vos idées valent les miennes et vos suggestions sont les bienvenues. Avec l’urgence climatique, réfléchissons à plus de tram et laissons les idéologues de côté.

Olivier Turbide
Limoilou, Québec

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