La diversité sexuelle, un thème important pour Danielle Le Saux-Farmer

danielle_le_saux_farmerLa pièce Dans le bois, d’après le texte de David Mamet, qui prend l’affiche au théâtre Premier Acte, le 16 septembre, raconte l’histoire d’un jeune couple qui part dans un chalet pour la première fois. Les deux personnages en sont au début de leur relation. En arrivant au chalet, l’un est en ébullition et plein d’espoir alors que l’autre est sombre. La pièce à l’origine a été écrite pour un couple hétérosexuel. La metteuse en scène, Danielle Le Saux-Farmer, a décidé de mettre de l’avant un couple homosexuel, en l’occurrence, deux hommes. Céline Fabries : Parlez-moi des personnages?Danielle Le Saux-Farmer : Antoine est amoureux et heureux, mais il ne comprend pas l’état d’esprit de Nick qui dès le début a un mauvais comportement, jusqu’à être violent. Antoine assume pleinement son homosexualité contrairement à Nick. On sent qu’il y a quelque chose dans le personnage de Nick qui n’est pas résolu. Il y a beaucoup de choses à apprendre de Nick, on voit qu’il est attiré par la liberté d’Antoine. C.F. : Pourquoi avoir changé l’orientation sexuelle du couple? D.L.S.F. : Le texte a été écrit en 1977. C’est un très beau texte, mais dans l’histoire la fille est dominée. Elle est en attente et vulnérable et l’homme est violent. Et l’espèce de trouble à la fin reste très poétique, ce n’est pas branché sur un trouble concret quand tu lis la pièce avec un homme et une femme. On a voulu le faire avec deux hommes pour plusieurs raisons. Pour Nick, c’est un peu sa sortie du placard, il vit une ville, peut-être caché dans son appartement et au grand jour, il est avec des femmes. En fait, lui il aimerait être avec une femme et ne pas avoir à vivre son homosexualité. Mais on ne peut pas s’échapper de son orientation sexuelle.C.F. : Plus précisément, pourquoi avoir choisi un couple de la diversité sexuelle? D.L.S.F. : J’y ai beaucoup pensé, au début c’était un projet, on s’est dit avec le collectif (Bois franc et Langues fourchues) qu’on aimerait ça prendre le texte, mais voir le couple autrement. Plus cette idée-là a germé dans notre esprit, plus on s’est dit, au théâtre si ce n’est pas une pièce qui aborde l’homosexualité en société, la normalité c’est l’hétérosexualité. Le couple qu’on dit normal, c’est un homme, une femme, encore. Et c’est quand même paradoxal, dans le milieu des arts, on est censé être un peu plus évolué, un peu plus inclusif, un peu plus critique par rapport à la société. Et je trouve qu’au théâtre, on reste encore très pris avec cette notion d’un homme et d’une femme. Là, ce sont deux hommes, mais ça aurait pu être aussi deux femmes ou n’importe quelle autre diversité sexuelle. C’est vraiment l’histoire d’un couple, peu importe l’orientation sexuelle où les deux ont des attentes en conflit. Je ne voulais pas non plus que le spectateur se dise tout de suite, ah une femme battue et, c’était moins intéressant pour lui de comprendre la dynamique de pouvoir. C.F. : Est-ce que l’homosexualité est abordée dans les dialogues?D.L.S.F. : Non pas vraiment. On a adapté le texte et on a fait certaines coupures pour que ça reste cohérent, mais le texte original reste assez intact. Le seul moment où c’est abordé, c’est à la fin où Antoine reproche à Nick de ne pas s’avouer qui il est et de s’inventer des histoires de gars virils. Il dit :

« Tu essayes de te convaincre que tu es comme ça, mais tu ne l’es pas. Même si ton idéal, c’est une vie avec une femme et des enfants, tu peux avoir cette vie-là avec un homme, avec moi. »

C.F. : À travers la pièce, est-ce qu’il y a une prise de position de votre part par rapport à l’homosexualité? D.L.S.F. : Pas au début. On ne voulait pas être des porte-étendards. On souhaitait plus s’inscrire dans une mouvance de théâtre contemporain et dire, nous, on raconte l’histoire d’un couple et en l’occurrence ce sont deux hommes. Mais le fait de le faire, on devient tout de même des porte-étendards. On était à la fête Arc-en-ciel il y a quelques jours et on veut que les homosexuels viennent voir la pièce pour qu’ils se sentent interpelés. C.F. : Malgré que l’homosexualité soit reconnue, la norme dans la société est encore l’hétérosexualité, qu’en pensez-vous et pourquoi cela vous touche-t-il autant? D.L.S.F. : C’est tellement un paradoxe, on ne veut pas en parler ou en faire un cas. Mais on s’aperçoit que c’est important parce qu’il y en a encore beaucoup pour qui le processus du coming out est difficile. J’ai plein d’amis qui se disent en découvrant qu’ils sont homosexuels :

« J’aurais aimé ça ne pas être gai, c’est tellement douloureux, ma vie aurait été plus facile. »

C’est un grand défi dans la vie de s’accepter soi-même, peu importe qui on est. Dans les dix dernières années, les choses ont évolué, mais quand j’étais au secondaire, mon meilleur ami était gai et ça a été un enfer pendant quatre ans et il a dû se construire une carapace pour gérer ça. Aujourd’hui, c’est beau, on le fête, il y a des célébrations, mais le passage de chaque individu à travers cette acceptation-là avec lui-même, puis face à la société et à son entourage, ça reste difficile.C.F. : Est-ce qu’on voit dans la pièce que le couple homosexuel se comporte de la même manière que si ça avait été un couple hétérosexuel? D.L.S.F. : Tout à fait. Et c’est intéressant parce qu’ils vivent les mêmes choses. On voit qu’Antoine a envie d’avoir une famille et se poser. Et ça pose la question, est-ce que c’est vouloir être dans la normalité ou est-ce que c’est un désir humain? On l’a vu avec l’histoire de Joel Legendre dernièrement. Est-ce qu’on doit financer l’accès à la procréation alors qu’on ne se pose pas la question pour les couples hétérosexuels. Dans la pièce, on s’aperçoit que les personnages veulent juste une chose, être heureux. Je crois que l’orientation sexuelle, c’est une question de nature, alors qu’il y a encore des discours qui circulent sur le fait que c’est une question de culture ou de choix. Ça me fait dresser les poils sur les bras les gens qui disent, ils choisissent ce mode de vie là. Il y a encore des mentalités à changer et c’est pour ça que je fais ce projet-là.C.F. : Pour finir avez-vous des endroits que vous aimez dans Montcalm et Saint-Sacrement? D.L.S.F. : J’adore ce quartier, il y a une superbe vue sur la basse ville. Sur la rue Cartier, il y a tous mes commerces préférés de la Ville de Québec et c’est très chaleureux et vert. Je suis très gourmande, j’ai mes spots comme Moréna, Milano, la Fabrique de Bagels, la boulangerie Éric Borderon, Pate à tout. J’aime aller au Musée national des beaux-arts du Québec aussi. Sur le chemin Sainte-Foy, j’aime beaucoup la chocolaterie, Rêve de chocolat.Danielle Le-Saux-Farmer sera de retour cet hiver dans La guerre des tuques au Musée national des beaux-arts du Québec.

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